Dans une ambiance eighties acidulée avec Grace Jones en matriarche des vampires underground, Richard Wenk s’inscrit pleinement dans le renouvellement du genre vampirique de la période avec la comédie horrifique Vamp sortie en 1986.

  • Vamp
  • Vamp

Trois étudiants se rendent dans un bar de strip-tease à la recherche d’une danseuse qu’il pourront embaucher avec leur petites économies pour impressionner leurs camarades. Mais au cours de la soirée ils se rendent compte un peu (trop ?) tard que ce bar est en réalité un repère de vampires…

Le film s’ouvre sur une scène caricaturale du film de vampires : lourde porte en bois, bâtisse en pierre, fenêtre gothiques, crucifix, personnages encapuchonnés de rouge et grosse voix effrayante. Mais ce théâtre n’est qu’un jeu, une épreuve de bizutage des deux personnages principaux qui cherchent à rejoindre une « confrérie » de leur fac pour accéder aux privilèges de la réputation associés à ce statut. D’entrée de jeu, le film nous dit que les vampires stéréotypés des vieux classiques n’existent plus. Fini le temps des mystiques aristocrates en capes sombres qui se cachent dans leur château en attendant la nuit pour sucer le sang d’une belle jeune fille du village. Dans Vamp, les vampires ne correspondent plus aux clichés traditionnels, témoin d’une période de transformation dans le cinéma de vampire, un moment de renouvellement du genre (plus ou moins réussi).

  • Réunion de crise entre vampires
  • Ballade nocturne pour retrouver AJ
  • Baptême du feu le vampire

Le chemin de jeunes étudiants en quête de popularité croise celui de vampires qui se sont établis dans un Strip Club des bas-fonds de la ville. Ici, ils n’ont pas le statut d’aristocrates mystérieux à la Dracula, mais poursuivent leur destin de buveurs de sang en se mêlant aux marginaux de la nuit. Ils rêvent de grandeur et de prospérité à Las Vegas, et les destins croisés des mortels et des vampires se répondent. Le mélange des deux univers opposés mais qui se rejoignent étrangement, se déroule en un fil rouge tout au long du film à travers le mélange des genres, la photographie, les costumes, et la construction des personnages. Si le film dans son ensemble peut nous laisser sur notre faim, il reste intéressant à voir comme témoin d’un moment dans l’histoire du cinéma vampirique où les codes du genre se transforment et tentent de se réinventer.

Passée la scène de bizutage qui fait référence aux éléments vampiriques classiques, Vamp commence dans une atmosphère très marquée des codes du Teen movie hollywoodien. En effet, les réalisateur•ices qui tentent de résusciter le mythe du vampires au cinéma dans les années 80 prennent souvent le parti de l’incorporer dans d’autres genres1. Les deux étudiants arrivés au college : le dragueur sûr de lui et son meilleur ami un peu moins, s’allient à un camarade très riche qui cherchent désespérément à se faire des amis. Des personnages légers, assez simples et un peu idiots qui collent au ton de la comédie pour adolescents. Mais quand la voiture des trois jeunes hommes se retrouvent soudainement propulsée du chic centre ville au quartier vidé des boites de nuits dans une cascade invraisemblable, l’ambiance glisse avec eux dans quelque chose de plus obscur. La nuit tombe d’un coup sur le film et c’est comme le passage dans une autre dimension. Ce passage d’un monde à l’autre, d’un genre à l’autre, se fait par un brusque changement de la photographie du film et une présence permanente d’éclairages néons vert et violet annonçant le passage dans le monde des vampires.

  • AJ dans sa chambre d'université
  • Course poursuite dans la nuit

Si on ne peut pas en dire autant de tout le film, le travail des couleurs et des lumières sont cependant bien réussis et lui donnent une identité eighties très marquée et captivante. Le directeur de la photographie, Elliot Davis, est d’ailleurs aussi celui que l’on retrouvera 22 ans plus tard à la photographie du premier film Twilight, dont l’ambiance bleutée/verdâtre a marqué toute une génération. Dans Vamp, le violet, souvent associé au précieux et à la royauté mais aussi à la mort et au surnaturel rappelle l’origine du mythe vampirique. Le violet comme mélange de la fougue du rouge et de la mélancolie du bleu est souvent utilisé pour accompagner le passage d’un monde à l’autre comme ici il accompagne le passage des personnages principaux du teen movie au film fantastique. Associé au vert à l’aura étouffante et malaisante, le duo de couleurs luminescentes qui structurent tout le film créer une ambiance de trouble graphique et enchanteresse.

  • Décor en vert et violet
  • Décor en vert et violet
  • Décor en vert et violet
  • Décor en vert et violet
  • Allison éclairée par les néons

L’ambiguïté entre deux monde se lit aussi dans les costumes, notamment celui que porte l’hypnotisante Katrina, interprétée par Grace Jones, pendant son numéro de danse. La maîtresse des créatures de l’After Dark Club apparait à l’écran vêtue d’une tenue de strip-tease très géométrique reprenant les couleurs de prédilections des vampires au cinéma : rouge, noir et blanc.

Enfin, le personnage de Vic, gérant du club, semble être le trait d’union entre les différents mondes qui cohabitent dans le film. Personnage qui revêt les caractéristiques inquiétantes du vampire, mais qui concentre aussi la dimension comique du film en ce qu’il n’est qu’une caricature de lui-même. C’est lui qui fait sans arrêt référence au fait que son club n’est pas n’importe quel endroit, « c’est classe ici », référence nostalgique à une noblesse vampirique passée, imaginaire ou imaginée, qui fait le lien entre une ancienne tradition de films de vampires et cette tentative de renouvellement du genre.

Ainsi, si le Vamp de Richard Wenk s’ajoute à une longue liste de films de vampires qui tentent de dépoussiérer le mythe, et que celui-ci n’a pas été épargné par les critiques, il témoigne d’un tournant dans l’histoire du cinéma vampirique, où les codes classiques se fondent dans ceux de la pop culture pour donner naissance à une créature filmique à la croisée des genres.

  1.  Comme Kathryn Bigelow qui intègrent les vampires au Western dans Aux frontières de l’aube en 1988. ↩︎

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