De nombreux réalisateurs ont mis en scène des personnages de jumeaux dans leurs films. Mais pour certains d’entre eux, David Cronenberg (Faux-semblants, 1988), Brian De Palma (Sœurs de sang, 1977) ou encore Franck Hennenlotter (Basket Case/Frères de sang, 1982), la gémellité se drape d’une inquiétante noirceur. Dans les œuvres de ces trois réalisateurs, la gémellité est synonyme de problème d’identité, non pas par la nature même de la gémellité, mais parce que dans ces films, celle-ci incarne la personnification du bien et du mal qui sont présents en chacun·e de nous (celle-ci est clairement explicitée dans le film de Sam Raimi, Evil Dead 3 sorti en 1992 : l’armée des morts dans lequel le personnage interprété par Bruce Campbell doit affronter littéralement son double maléfique), mais qui ne s’équilibrent plus puisqu’ils ont acquis une autonomie physique propre. En effet, tout se passe comme si dans l’individu qui est amené à naître, le bien et le mal se seraient divisés pour donner naissance à deux individus distincts. Cependant ces deux individus sont tous deux des êtres déséquilibrés, aussi bien mentalement, comme dans Basket Case ou encore Sœurs de Sang, que socialement, mais aussi déséquilibrés entre eux. Ce sont généralement deux êtres totalement différents, bien que généralement se ressemblants physiquement (c’est ainsi que l’on pourrait interpréter la traduction du titre du film de David Cronenberg, Dead Ringers en son alter ego français Faux-semblants). Le bon jumeau est souvent faible, subissant l’influence néfaste du mauvais jumeau qui le pousse à faire des actes répréhensibles. Ce déséquilibre entre les deux jumeaux est encore plus contrasté dans le film Les jumeaux (1988) d’Ivan Reitman. Ici, on est en présence de deux personnages, l’un interprété par Arnold Schwarzenegger et l’autre par Danny de Vito que tout oppose y compris leurs physiques puisqu’ils ne se ressemblent en rien. Ainsi, l’un des jumeaux a hérité de toute les bonnes qualités – la beauté, l’intelligence, l’intégrité morale – alors que l’autre est plutôt laid, petit et magouilleur. Mais bien que le méchant jumeau semble mieux s’en sortir dans le monde réel, révélant ici un jugement moral sur notre société par les créateurs du film, les deux jumeaux ne trouveront réellement leur équilibre que dans le happy-end lorsqu’ils décideront de travailler ensemble comme un seul et unique individu. Car, pour la plupart des auteurs cités ici, il n’y a de véritable salut pour ces deux êtres que dans le redevenir un qui passe souvent par la destruction physique des deux individus pour, peut-être, enfin renaître comme une seule et même personne affrontant quotidiennement cette lutte interne que se livrent le bien et le mal à l’intérieur de chaque être humain.

Au début de Faux-semblants (David Cronenberg), les deux jumeaux semblent ne faire qu’une personne : en effet, ils s’habillent de la même façon, réfléchissent de la même manière et cette impression d’unicité est renforcée par le fait que les deux personnages sont interprétés par le même acteur, Jeremy Irons. Dans Twins Falls Idaho (Michael Polish, 1999), cette unicité est représentée par la fusion des corps des deux jumeaux puisqu’ici ce sont deux jumeaux siamois qui sont les protagonistes du film. Dans Basket Case tout comme dans Sœurs de sang, cette unité est représentée par l’absence à l’écran d’un des jumeaux (le mauvais qui porteur d’un problème physique ou mental). En effet, dans le film de Frank Hennenlotter, le mauvais jumeau (vilain tant physiquement que moralement) se cache dans le panier que transporte son frère, alors que dans le film de Brian de Palma, l’autre jumelle se terre dans sa chambre, rejetée des autres (ici, nous avons à faire à un personnage mentalement déséquilibré).

(Brian De Palma, Sœurs de sang, 1977)

Néanmoins, cette apparente unicité est très rapidement mise à mal par une relation avec une femme (dans Faux-semblants et dans Basket Case). Elle révèle le déséquilibre latent et la tentative vaine de la part des deux jumeaux de ne former qu’un. C’est un essai de la part d’un des jumeaux de trouver une vie normale (pendant longtemps la gémellité était perçue comme quelque chose de particulier, magique voire de diabolique) en se détournant de l’autre, mais il semble que cette normalité au cinéma n’est pas accessible à ces personnages de jumeaux. La relation qu’ils ont avec ces femmes est souvent difficile (c’est la notion de déséquilibre que l’on retrouve ici), voire impossible (dans Twins Falls Idaho, notamment, de par la réalité physique des corps fusionnés des deux jumeaux). Dans Faux-semblants, le méchant jumeau traite les femmes comme des objets et ne porte sur elle qu’un regard scientifique qui est le même que celui de Beverley qui, lui, possède un comportement compliqué envers les femmes (il développe une espèce de sacralisation de la Femme). Dans Basket Case, c’est la jalousie de l’autre jumeau qui empêche son frère d’avoir une relation normale avec une femme.

(David Cronenberg, Faux-semblants, 1988)

Pour ces réalisateurs, il s’agit donc moins de traiter de la gémellité que de la double nature de l’être humain. Cette thématique de dualisme est au centre de la mythologie Star Wars (saga initiée par George Lucas en 1977), s’incarnant dans la lutte entre les Jedi et les Sith, qui détermine toute l’existence de l’univers Star Wars. Jedi et Sith peuvent être vus comme des jumeaux. Ils s’affrontent sans trêve jusqu’au jour où l’être élu amènera l’équilibre dans la force c’est-à-dire qu’il englobera dans son être le côté lumineux et le côté obscur. Le déséquilibre sera, donc, enfin effacé. Jusque-là, Jedi comme Sith sont des êtres déséquilibrés, non pas au sens clinique, mais déséquilibré dans leur humanité. Les Jedi se refusent à tout amour pour ne se consacrer qu’à leur sacerdoce alors que les Sith se laissent aller à leurs instincts les plus sombres.

(Luke vs Dark Vador, Star Wars)


Auteur / autrice

  • Lord Humungus

    « There has been too much violence. Too much pain. But I have an honorable compromise. Just walk away. Give me your pump, the oil, the gasoline, and the whole compound, and I’ll spare your lives. »

    Voir toutes les publications

1980 (12) 1981 (6) 2007 (6) 2011 (6) 2014 (7) 2016 (10) 2017 (12) 2018 (16) 2019 (19) 2020 (16) 2021 (20) 2022 (16) 2023 (12) Adaptation de livre (20) Alien (14) Allemagne (7) Animation (12) Anthologie (11) Apocalypse (17) Archivi gialli (9) Australie (6) Belgique (7) Canada (8) Cannibal (10) Chill (9) Cinéma indépendant (8) Corée du sud (7) Critique sociale (41) Dario Argento (6) Documentaire (12) Drame (29) Enfance (11) Enfants diaboliques (6) Enquête (19) Eskrivhan (11) Espagne (8) Exploration (6) Fantastique (156) Fantômes (41) Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg (7) Festivités (8) Film (118) Final Girl (6) Folklore (75) Found Footage (11) France (88) Freaks On (16) Funky (35) Féminisme (17) Giallo (28) Gore (33) Horreur (178) Illustration (6) Interview with the Anthropoid (34) Italie (24) J-Horror (19) Japon (32) Jeux (8) John Carpenter (8) Kaidan (6) Karma (9) Kinky (22) Livre (32) Livre illustré (19) Lovecraft (8) Maison hantée (12) Maladie & Virus (10) Manga (6) Monochrome (11) Musique (14) Médical (7) Nati Corvina (6) Phii (7) Politique (20) Projet Carabanchel (9) Psycho (63) Psychè (51) Pépin (12) Rape & Revenge (6) Religion (31) Royaume-Uni (10) Science-fiction (29) Secte (7) Serial Killer (25) Shadowz (36) Sorcellerie (18) Sorcière (14) Séquestration (13) Série (31) Teen (10) Thaïlande (7) Thriller (68) True Crime (9) Vampire (7) Vengeance (9) Vincenzo Autolitano (9) Yôkai (16) Yûrei (15) Zombie (14) États-Unis (64)

En savoir plus sur 3MOTHERS FACTORY

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading