Les Yeux de la Libellule (Nati Corvina, 2020) est un court-métrage thriller fantastique. Ce court-métrage a comme principale inspiration le cinéma d’horreur italien des années 1970 mais également du cinéma traitant de l’enfance. Dans la conception physique du personnage principale, on y voit les inspirations d’une petite fille aux cheveux longs et blonds de films tels que Ne vous Retournez pas (Nicolas Roeg), Une si gentille petite fille (Eddy Matalon) ou encore Poltergeist (Tobe Hooper).

Lors de sa fête d’anniversaire, le petit Zacchary et ses camarades sont les victimes d’un massacre. Il y a très peu de survivant·e·s : une mère dévastée, un petit garçon dans un état grave et la petite Abigail qui semble fortement affectée par ce drame. L’enquête est confiée à l’inspecteur Richard Bach, de la brigade criminelle et à son jeune et fougueux coéquipier Stephen Leroi, sorti tout droit de l’école de police. Après avoir interrogé, la mère d’Abigail, les soupçons se tournent vers le père de l’enfant que tout le voisinage accuse. Afin d’éviter un possible lynchage, l’inspecteur Bach essaye de découvrir rapidement la vérité en allant interroger à nouveau la petite Abigail mais ne sera au bout de ses surprises.

Les Yeux de Libellule est un court-métrage de genre réalisé grâce à un financement participatif sur Ulule. Il retrace l’histoire d’une mystérieuse affaire de meurtre suivie par l’inspecteur Richard Bach et d’une étrange petite fille peu loquace. Armés des badge d’inspecteurs de la brigade TMF (Richard Bach interprété par Quentin Petit et Stephen Leroi joué par Théo Bartholet), le duo policier débute leur investigation après la tragédie sanglante qui enclenche l’histoire.

C’est à travers cette œuvre que la réalisatrice Nati Corvina tente de mettre en exergue une problématique réelle depuis des années. La différence, le harcèlement. Bien que le dernier sujet est peu développé dans ce court-métrage (d’où la volonté d’en faire peut-être un long-métrage un jour), le personnage de la petite fille subit un harcèlement scolaire, la poussant à avoir un comportement d’isolation et de crainte. Aussi, ces pouvoirs surnaturels se manifestent parce qu’elle ne réussit pas à maîtriser toute cette frustration en elle. Elle ne ressemble pas aux petites filles de son âge et a très peu d’ami·e·s. C’est par ce discours que le côté surnaturel vient se mêler au réel. Sa vie de famille en est tout autant chamboulée. La séparation de ses parents, les craintes d’une mère angoissée, l’égoïsme du père qui veut, en rejetant la faute sur sa femme, avoir sa fille rien que pour lui. Cette petite fille perd ainsi tous ses repères. L’autre protagoniste principal, l’inspecteur, est une inspiration directe du cinéma de genre italien des années 1970. Un homme distant par rapport à son travail, mais investi. Expérimenté par rapport à son collègue qui sort tout droit de l’école de police et réfléchit plus avec ses sentiments qu’avec sa raison, Richard Bach semble être un inspecteur ayant certainement vécu des choses difficiles dans son passé. Une de ces particularités est qu’il est asthmatique. Dans un court-métrage, il est difficile de développer cette singularité, mais on peut le voir comme un signe de faiblesse, bien qu’il pense pouvoir tout contrôler dans son travail ou dans sa vie affective, il ne peut pas contrôler ce problème de santé qui peut être handicapant.

« Pour nous, il est important que le public ressente, à travers cette histoire, la sensibilisation sur ces différents problèmes et ce à travers le cinéma de genre, peu reconnu en France. Un cinéma que nous essayons de défendre par le biais de notre travail constant dans cette association. »

Nati Corvina

Initialement pensé comme un opus centré sur l’enfance d’une manière assez particulière, Les Yeux de la Libellule ne présente sa protagoniste principale que de dos. Ainsi discrète et suggérée, Abigail n’est jamais filmée directement et sera montrée en arrière plan, voire pas du tout. La caméra se concentre alors sur son interlocuteur lorsqu’une communication se déroule. Cette technique ajoute un sentiment de mystère et d’intrigue autour du personnage, faisant planer une aura de malaise sur le public. Les plans permettent ainsi de montrer peu à peu des éléments sans véritablement révéler les intentions des personnages ou le déroulement des actions. Pour l’exposition, seule la façade de la maison où l’accident s’est produit n’est visible. Le but de la réalisatrice n’étant pas de montrer explicitement ce qui s’est passé, mais de suggérer la narration. Un léger brouillage des pistes sera mis en place alors que l’inspecteur mène ses investigations, s’intéressant davantage à cette mystérieuse enfant qu’au massacre du départ. Afin de plonger dans l’intimité des personnages, les séquences alternent entre les plans larges et les plans rapprochés, permettant au public de plonger dans la trame du récit et de décrypter petit à petit leurs sentiments. La musique, Projet Abigail, joue un rôle tout aussi important en illustrant les sentiments et l’atmosphère que la réalisatrice cherche à transmettre à travers son cinéma de genre bercé des films fantastiques des années 80.


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