Quand ce sentiment d’étrange nous traverse l’échine et que des frissons parcourent notre corps, c’est que nous sommes en présence d’œuvres inquiétantes qui sont à deux doigts de nous retourner le cerveau !
Family Dinner (Peter Hengl, 2022)
Ce film autrichien met en scène l’arrivée de Simi (Nina Katlein), une jeune adolescente en surpoids chez sa tante nutritionniste et sa famille quelque peu étrange. Le récit prend place pendant la semaine du week-end pascal et l’ambiance de ses retrouvailles tourne peu à peu à l’angoisse. La jeune femme commence un régime sur les conseils de sa tante Claudia (Pia Hierzegger) tandis que l’atmosphère familiale s’avère plus lourde qu’elle ne l’avait imaginée. Son cousin Filipp montre un comportement agressif et à première vue paranoïaque, son oncle Stefan oscille entre la froideur et une affection mal placée et sa tante Claudia se montre particulièrement control freaks, notamment pour tout ce qui touche à son fils. Filipp dit-il la vérité et sa mère s’avère être une maniaque tordue ou le jeune adolescent souffre-t-il de problèmes mentaux comme le confiera Claudia à Simi ? Le jeune fille découvre peu à peu des comportements étranges dans cette famille à l’apparence unie : Tata est une fan d’ésotérisme, Tonton voue un véritable culte à sa femme et Cousin est en flip total !
Entre scènes de repas tendax et partie de chasse anxiogène, les relations familiales se dévoilent petit à petit laissant entrevoir une vérité inquiétante… De la grisaille typiquement germanique se mélange à une lenteur et un mutisme écrasants durant les séquences de repas, les scènes où Simi se regarde dans le miroir de la salle de bain dénotent du mal-être de la jeune fille tandis que des gros plans sur la bonne bouffe à ceux sur Stephan entrain d’éviscérer un lapin se font plus bruts, violents. En dépit de toute la sublime gastronomie issue de leur ferme perdue au milieu de nulle part, il n’y a que Filipp qui sera autorisé à manger. Family Dinner suinte un sadisme omniprésent malgré l’apparente gentillesse des parents… jusqu’à un final explosif qui rétablit la balance !
La Fin absolue du monde (John Carpenter, 2005)
La Fin absolue du monde aka Cigarette Burns est un segment de la célèbre anthologie horrifique Masters of Horror (Les Maîtres de l’horreur). Réalisé par John Carpenter, ce métrage met en scène Kirby Sweetman (interprété par Norman Reedus), un passionné de films rares propriétaire d’un petit cinéma qui, après la mort de sa femme, se retrouve dans une situation quelque peu délicate. Le père de cette dernière estime que Kirby est responsable du décès de sa fille, et en plus de devoir gérer un deuil déjà compliqué, le jeune cinéphile croule sous une dette de 200 000 $. C’est alors que Bellinger (Udo Kier), un homme riche et particulièrement excentrique apparaît dans sa vie et lui propose une somme d’argent considérable s’il parvient à retrouver un film d’horreur perdu du nom de La Fin absolue du monde réalisé par un certain Hans Backovic. Réputé maudit, il est dit que lors de sa première mondiale en 1971, le public aurait été pris de folie provoquant ainsi plusieurs morts. Après ces événements tragiques et mystérieux, les bobines auraient été détruites et l’équipe de production est aujourd’hui décédée. Perplexe, Kirby hésite avant que Bellinger ne lui montre ce qui semble être un homme au teint extrêmement pâle, enchainé et arborant des cicatrices sur le dos. Une enquête se met alors en branle. Passant d’un critique de cinéma présent à l’avant-première à un projectionniste ayant réalisé une projection secrète du film (sans pour autant regarder les images de cet étrange métrage), notre protagoniste creuse toujours plus dans cette mystérieuse affaire et enchaîne les rencontres : un réalisateur de snuff movie et la veuve du réalisateur lui donneront davantage de détails sur les événements de 1971…
La Fin absolue du monde est l’un des épisodes les plus dérangeants de la saison 1 de Masters of Horror. Son personnage en plein déclin, l’étrange créature enchainée par ce milliardaire, et le panel de protagonistes traumatisé·e·s par le passé tirent rapidement la sonnette d’alarme : il serait mieux que ce film reste dans les oubliettes de l’Histoire. Entre bobines maudites et vérités cachées, La Fin absolue du monde appelle à la folie et aux visions apocalyptiques. Quelque part au milieu de L’Antre de la folie (John Carpenter, 1995) et de Ring (Hideo Nakata, 1998), cette œuvre place son public au même niveau que son protagoniste principal : il sait qu’il ne doit pas visionner ces images mais le fait quand même, quitte à se retrouver en proie à des hallucinations. Avec son folklore chrétien jouant sur la thématique d’une malédiction divine, La Fin absolue du monde se veut contemplatif, lent, et insidieux. Tourné vers les investigations de Kirby et de ses découvertes morcelées, il dispose d’une approche assez lovecraftienne des éléments du récit. De quoi tenir le public en haleine malgré la lenteur apparente de la narration…
Daniel Isn’t Real (Adam Egypt Mortimer, 2019)
Œuvre à mi-chemin entre le body horror et le drame psychologique, Daniel Isn’t Real nous conte l’histoire compliquée de Luke (Miles Robbins), un jeune homme un peu perdu qui voit réapparaître soudainement son ami imaginaire, Daniel, entré dans sa vie des années auparavant, après qu’il ait aperçu le cadavre d’une jeune femme morte dans une fusillade. Un événement sanglant qui constitue un traumatisme pour le jeune homme et qui marque le début de la présence de Daniel à ses côtés. Véritable soupape de sécurité pour le jeune garçon qui en chie au quotidien entre une mère cinglée et un père absent, la relation existante entre Luke et son ami imaginaire grandit jusqu’à ce que sa mère l’oblige à enfermer ce fantôme d’enfance dans la maison de poupées trônant dans sa chambre…
Des années plus tard, nous retrouvons notre protagoniste principal, étudiant au moral dans ses chaussettes, qui oscille entre des visites à sa mère malade et les tracas de la vie de jeune adulte. C’est alors que Daniel (interprété par Patrick Schwarzenegger, le fils de culturiste culte) fait un retour magistral afin de l’aider à gérer ses soucis. Premièrement, le film peut faire penser à une mise en scène de la folie, d’hallucinations et de l’impact des traumatismes sur l’esprit d’un enfant mais le métrage se révèle bien plus étrange… Adaptation du premier roman de Brian DeLeeuw, L’Innocence aka In This Way I Was Saved, ce thriller nous plonge dans les méandres d’un enfer psychologique. Symbolisme ou possession ? Hallucinations ou invocation démonique ? Cette œuvre fout le doute, perturbe, et nous entraîne dans un univers fondamentalement malsain. Certains éléments nous feront pencher vers le surnaturel (le fait que Luke réussisse ses exams ou puisse deviner ce qu’il y a écrit sur les pages d’un livre grâce à la présence de Daniel, qui lui souffle les réponses) bien qu’on garde l’impression viscérale qu’il s’agit d’une représentation de troubles mentaux causés par des traumatismes d’enfance. Entre ses rendez-vous chez le psy et les visites à sa génitrice bien gratinée, Luke fait la rencontre de Cassie (interprétée par Sasha Lane). Une relation qui lui apportera de la joie et une certaine paix intérieure l’espace d’un instant.
Dans Daniel Isn’t Real, des scènes de body horror se mêle à un réalisme déroutant, liant folklore et folie à la perfection dans un combat intérieur acharné, une lutte qui se terminera dans une scène de duel magiquement réalisée. L’exploration ainsi faite de la part sombre de notre protagoniste principal fait écho à l’impact de la violence dans la société américaine. Elle est une contagion pernicieuse qui marque celles et ceux qui y ont été exposé·e·s…
Antrum (David Amito & Michael Laicini, 2018)
Avec son filtre rétro et ses couleurs chaudes, Antrum nous offre une sorte de randonnée forestière entre un frère et une sœur, une promenade qui va rapidement tourner au cauchemar… Film maudit ou found footage aux prises de vues improbables, ce métrage prend la forme d’un faux documentaire à ses débuts, puis un film maudit tourné en 1970 qui suit les mésaventures de Oralee (Nicole Tompkins) et Nathan (Rowan Smyth), parti•e•s dans les bois pour réaliser une sorte de rituel funéraire pour leur chien récemment décédé…
Ce film canadien dispose de plusieurs effets narratifs plus que dérangeants. À la différence d’un found footage à la Blair Witch ou d’un fake documentaire à la Horror in the High Desert, le format du film est constitué de deux styles bien distincts : une introduction et une conclusion de type émission TV qui présentent des éléments contextuels sur cette bobine interdite afin de mettre en garde le public et le métrage en lui-même. Ce dernier possède également les codes du documentaire, nous présentant presque les personnages comme les créatures d’un documentaire animalier. Le côté « faux documentaire » se retrouve alors sous deux formes différentes et est exploité à merveille par ses réalisateurs. Durant l’introduction, le public apprend que les images qui vont suivre sont issues d’un long-métrage, dont la seule copie existante a été modifiée par une personne inconnue, ayant ajouté les symboles occultes sur les bobines… Leur présence à l’écran réhausse l’impression de découvrir une œuvre maudite. Ce film aurait, à l’instar de La Fin absolue du monde, des effets négatifs sur la santé mentale des personnes le visionnant. Cette bobine d’un métrage du nom de Antrum, tourné en Anglais mais d’origine Bulgare et datant de 1979, auraient été retrouvées et présentées à divers directeurs de festivals de cinéma. Aucun de l’accepta mais tous moururent dans d’étranges circonstances. Après des années durant lesquelles sa trace fut perdue, le film aurait été projeté à Budapest en 1988. Un incendie aurait alors ravagé le bâtiment et décimé la foule. L’enquête conclua à un incendie volontaire… Le film disparait une seconde fois jusqu’en 1993 où on entend parler de lui en Californie : un employé de cinéma aurait déclenché une émeute, provoquant la mort d’une femme enceinte. Plus personne n’en entendra parler jusqu’en 2018, date à laquelle une équipe documentaire décide d’étudier son impact et son histoire : ce film tourné en 35 mm disposerait d’images subliminales et de sons dérangeants ainsi que d’extraits en noir et blanc ajoutés à postériori. C’est donc assez violemment que nous est balancé Antrum, entre incompréhension, appréhension et curiosité avant de faire la rencontre de ses deux personnages…
Entre les séquences de promenade, l’objectif assez mignon des deux enfants et l’apparition soudaine des symboles ésotériques à l’écran, Antrum regorge de trucs bizarres. Le jeune Nathan fait des cauchemars depuis que sa mère lui a dit que sa chienne Maxine n’est pas allée au paradis mais en enfer parce que c’était un « mauvais chien », sa sœur Oralee décide alors de l’emmener dans des bois réputés hantés, un endroit lugubre où les gens du coin viennent pour se suicider. Ayant préparé une petite histoire, une sorte de grimoire et le nécessaire pour camper, elle fait croire à son frère qu’il est possible de creuser un trou vers l’enfer afin de libérer le chien de sa damnation éternelle. Avec un carnet de notes dans lequel sont gribouillés des symboles magiques et l’envie d’aider (ou de traumatiser ?) son frère, Oralee lui fait réaliser d’étranges sorts et rituels et creuser un trou afin de retrouver le collier de Maxine – un signe que la chienne aurait été libérée de l’emprise de Satan… Contre toute attente, la jeune fille se rend compte que ces rites semblent avoir un effet pour de vrai ! La suite du récit se poursuit avec l’apparition d’entités infernales et la rencontre d’un duo de rednecks cannibales, la fiction inventée par Oralee se confond de plus en plus avec la réalité comme le fait sentir ce faux documentaire à son public…
Honeydew (Devereux Milburn, 2020)
Écrit et réalisé par Devereux Milburn (2020), Honeydew est un film d’horreur américain mettant en scène Sam (Sawyer Spielberg) et Rylie (Malin Barr), un couple qui bat de l’aile, ayant décidé de faire une virée à la campagne pour se changer les idées. Ayant planté leur tente sur un terrain appartenant à un vieux fermier du nom d’Eulis (Stephen D’Ambrose), le duo en sera délogé puis trouvera refuge à l’intérieur d’une étrange maison peu hospitalière dans laquelle séjournent Karen (Barbara Kingsley), une vieille fermière assurée, et Gunni (Jamie Bradley), son fils échiné et… très particulier.
La jeune femme, Rylie, qui réalise sa thèse de biologie sur un sujet du nom de sordico (une sorte de champignon pouvant contaminer les cultures et provoquer des hallucinations, des tremblements, une démence progressive ainsi qu’une pigmentation noire des extrémités), se rend rapidement compte que quelque chose cloche dans cette famille : une photo étrange de Karen et son fils sur le frigo, un discours parfois désorienté de la mère, les tremblements préoccupants de Gunni incapable de parler et de manger seul, depuis son fauteuil roulant, la vieille TV en noir et blanc diffusant à l’infini un épisode de Popeye… Autant de détails qui rendent l’univers de ce film anxiogène. Les protagonistes apparaissent comme plausibles, réagissant à leurs humeurs et leurs problèmes. Sam, acteur aspirant, qui cherche à lutter contre son envie de sucre est sans cesse gardé à l’œil par sa petite amie, Rylie plongée dans ses recherches. Ce voyage à la campagne censée les rapprocher met en exergue leurs oppositions et leurs conflits et les conduira finalement à bien pire que des éclats de voix et des montées de colère. Cette tension palpable commence dès le début du film où l’on voit Sam, enfermé dans les toilettes, une barre de céréales chocolatées à la main, entrain de réciter frénétiquement les paroles d’un scénario. Puis s’accentue avec les remontrances de Rylie, exacerbée par le caractère blasé de son partenaire…
Run Rabbit Run (Daina Reid, 2023)
Sarah (Sarah Snook) et Mia (Lily LaTorre), une mère et sa fille, vivent toutes les deux depuis le divorce du couple. Elles éprouvent quelques difficultés à communiquer ensemble depuis leur arrivée dans une nouvelle maison. Un jour, Mia découvre un lapin blanc dans le jardin et supplie sa mère de le garder. Peu enthousiaste à cette idée, Sarah accepte tout de même, espérant ainsi renouer le dialogue avec sa fille. Dès lors, Mia commence à se comporter étrangement… Entre crises d’angoisses, dessins plutôt glauques, et perte de mémoire, la jeune fille dit des choses qu’elle n’est pas censée savoir et prétend avoir des souvenirs d’une autre vie. Sarah accuse tout d’abord son ex-mari et sa nouvelle compagne avant de se rendre compte que quelque chose de plus mystérieux semble s’être glissée en Mia…
Run Rabbit Run est un film en provenance d’Australie qui oscille entre une horreur psychologique et des événements paranormaux bousculant le quotidien déjà difficile d’un duo en perte de repères. Les vieux cartons qui attendent d’être rangés font écho au passé de Sarah : seule non seulement depuis son divorce mais aussi suite au décès de son père dont elle était proche. S’ajoute le contact rompu depuis des années avec sa propre mère, Joan, une relation filiale qui n’a fait que se dégrader depuis la disparition d’Alice, la petite sœur de Sarah lorsqu’elles étaient enfants. Face à l’éducation de Mia et à tous ses bouleversements, Sarah se retrouve à courir entre son boulot de médecin spécialiste de la fertilité et les rendez-vous de l’école qui s’inquiète du bien-être de Mia. Véritablement au bout du rouleau, cette mère épuisée se montre de plus en plus agressive envers son enfant qui demande à se faire appeler Alice et à voir sa « vraie mère » Joan dont Mia n’a normalement jamais entendu parler !
Une ambiance de thriller dramatique, ponctuée par de brèves appariations fantomatiques, s’enfonçant au fur et à mesure dans une relation mère/fille insoutenable. Entre violences domestiques, secrets inavouables et traumatismes d’enfance, Run Rabit Run porte bien son nom : Sarah est dans une fuite en avant constante qui ne pourra prendre fin que lorsqu’elle se sera regardée en face.





































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