Dans Exit, Rie, une journaliste danoise, se rend sur le site de construction du métro de Copenhague pour réaliser un portrait des travailleurs du cutterhead, cette gigantesque tête de forage qui creuse les tunnels.

On la suit alors qu’elle explore ce labyrinthe de métal et de béton, descendant à des profondeurs abyssales. Ses questions de routine posées aux ouvriers non anglophones laissent présager un article préécrit vantant la coopération européenne. Cependant, un accident se produit sous terre et Rie se retrouve avec Ivo et Bharan, deux travailleurs d’origine croate et érythréenne, enfermée dans un sas de décompression.

Exit, Rasmus Kloster

Et c’est là que les emmerdes commencent.

Shadowz propose avec Exit aka Cutterhead un film de survie fortement déconseillé aux claustrophobes ! 

Rasmus Kloster Bro, réalisateur danois méconnu, maîtrise l’art de l’immersion spatiale et sensorielle de manière remarquable. Dès le début, l’atmosphère s’installe, empreinte d’une légère tension accentuée par une claustrophobie grandissante. La journaliste, au comportement peu professionnel, contribue à cette ambiance. Les bruits métalliques, les compressions et décompressions, ainsi que l’environnement visuel fait de lumières artificielles et de sombres passages exigus, créent un environnement viscéral, dévoilant un monde hostile de tuyaux fumants et de portes blindées.

Trois personnes sont confrontées à une situation qui a terriblement dégénéré. Des antagonismes, à peine perceptibles au départ, émergent au fur et à mesure que la claustrophobie s’intensifie. Ce qui semblait être une simple histoire de survie se transforme en une analyse sociale percutante, révélant des rapports de pouvoir inattendus. Bien que la métaphore politique puisse manquer de subtilité, elle offre un élément de surprise intéressant en explorant des dynamiques de domination sournoises. Le film mélange habilement ces deux aspects, offrant un final qui oscille entre l’agonie et l’apocalypse, laissant son public sans voix.

  • Exit, Rasmus Kloster
  • Exit, Rasmus Kloster

Sur la forme, Exit reprend les codes du genre. Du vertigineux Fall (Scott Mann, 2022) au frissonnant Centigrade (Brendan Walsh, 2020) en passant par le brûlant 247°F (Levan Bakhia et Beqa Jguburia, 2011), les films de survie reprennent inlassablement le même schéma :

  • Un problème vital est posé : cela peut être l’enfermement, un obstacle naturel ou artificiel, une défaillance technique ou humaine. La vie du ou de la protagoniste est en danger. C’est là où iel se dit un truc du genre “Oh ben merde, c’est pas de bol ce qui m’arrive mdr !
  • Les premiers réflexes : vérifier son téléphone, souvent à court de batterie ou de réseau, crier à l’aide, tourner les poignées, se faire même un peu violence pour se défaire du bourbier dans lequel le protagoniste se trouve. “Bon je vais quand même pas rester coincé·e comme un·e con·ne, y’a forcément une solution.”
  • Face à ces premiers échecs, l’heure est à la reconsidération. Observer les éléments, les détails, fouiller son sac ou ses poches et surtout élaborer plusieurs scénarios de sortie. “Bon calmons-nous, y’a aucune raison que je meurs ici.
  • Très vite arrive la colère, comme un besoin d’extérioriser l’absurdité de la situation. Car la plupart de ces situations découlent d’une suite d’enchaînements souvent très absurdes. “PUTAIN MAIS JE VAIS PAS CREVER ICI QUAND MÊME !
  • Généralement, l’idée de génie intervient après ce premier craquage. Un bouton lumineux qu’on n’avait pas vu. Une corde cachée dans un recoin. Une barre de réseau qui s’affiche ou un signal radio reçu. Bien sûr, cela ne mènera nulle part.
  • L’heure est au rationnement : confronté à l’inextricabilité de sa situation, notre héros ou héroïne effectuera des réserves en eau, en nourriture, voire en air.
  • L’introspection philosophique et psychologique. N’ayant plus qu’à attendre un miracle ou l’arrivée d’éventuels secours, notre protagoniste refait le fil de sa vie, sa récente rupture, sa fille qu’iel ne verra peut-être plus, la priorité donnée à sa passion plutôt qu’à sa famille… C’est le moment émotion, souvent un peu gnangnan mais indispensable pour qu’on éprouve un peu d’empathie.
  • Le Deus ex Machina : Certain·e·s ont de la chance et voient les secours ou un·e habitant·e du coin arriver. D’autres doivent se faire sacrément bobo afin de pouvoir s’en sortir (coucou 127h, de Danny Boyle, 2010). D’autres vont tout simplement mourir car après tout, c’est ce qu’il y avait de plus logique vu la situation de merde dans laquelle iels étaient (coucou Open Water, Chris Kentis, 2003).

Tout ceci est bien sûr schématisé par l’auteur de ces lignes. 

Il est important de rappeler également que dans un vrai film de survie, l’héroïsme n’existe pas. Le but est de sauver sa peau, pas de se sacrifier pour sauver celle de l’autre. Et je pense que c’est ainsi que ça se passe dans la réalité. Oh certes, il peut y avoir de l’entraide mais le but ultime est de sauver sa tronche. Cet instinct primaire retranscrit dans les films de survie s’avère très efficace quant à notre projection. En effet, il est essentiel que ces films soient crédibles à nos yeux, afin que l’on puisse plus facilement se mettre dans la peau et dans la tête des personnages. Exit de Rasmus Kloster Bro remplit parfaitement ces prérequis

Car ce qui nous terrorise et nous fascine dans ces histoires de survie, ce n’est pas vraiment le destin du héros ou de l’héroïne, mais bel et bien le fait que l’on n’aimerait pas être à sa place…


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