Tous les cinéastes ne peuvent pas se vanter d’avoir inspiré l’esthétique de l’une des sagas vidéoludiques les plus effrayantes, à savoir Silent Hill. C’est pourtant le cas d’Adrian Lyne. Quand on parle de ses films, on pense surtout à Flashdance ou bien aux thrillers érotiques qu’il a réalisé à la fin des années 80 (9 Semaines ½, Liaison Fatale,…). Mais au milieu de tout cela surnage une curiosité dans sa filmographie, une œuvre étrange et perturbante qui nous plonge au cœur des tourments hallucinatoires d’un vétéran de la Guerre du Viêt Nam. Ce film, c’est L’Échelle de Jacob aka Jacob’s Ladder.

Sorti en 1990, le film nous raconte l’histoire de Jacob Singer (interprété par Tim Robbins), employé des postes new-yorkaises et ancien soldat de la 1st Air Cavalry Division, rapatrié du Viêt Nam après une blessure grave. Traumatisé par la guerre, un divorce et la perte d’un enfant, il est en proie à d’étranges visions terrifiantes qui le font, peu à peu, sombrer dans la folie. Mais Jacob se rend vite compte qu’il n’est pas le seul dans ce cas et que ses anciens camarades de régiment sont aussi victimes de ces visions. Mais que représentent réellement ces hallucinations ? Quelles en sont les causes ?

L’Échelle de Jacob est un film sombre et oppressant de par les thématiques qu’il aborde (traumatismes et horreurs de la guerre, deuil, santé mentale, violence…), mais aussi de par son ambiance poisseuse. Il y règne une atmosphère anxiogène de plus en plus angoissante à mesure que les visions dont est victime le protagoniste apparaissent. L’une des forces du film, c’est que ces fameuses apparitions cauchemardesques sont issues du quotidien aliénant de Jacob. Il plane sur lui comme une inquiétante étrangeté qui le plonge dans une paranoïa grandissante. L’angoisse vient de l’intime, l’horreur surgit du banal et la réalité s’altère progressivement comme pervertie et étrangère. Une station de métro devient une prison menaçante, un hôpital d’apparence normale se trouve être peuplé par des patient·e·s monstrueusement difformes… En cela, le film s’ancre totalement dans le genre fantastique (intrusion du surnaturel dans le cadre réaliste d’un récit) et le drame que vit Jacob se transforme alors en pure horreur psychologique. Cela est appuyé par la mise en scène et l’esthétique globale du métrage qui puise son inspiration dans le body horror (avec tout le rapport au corps et les déformations physiques que cela induit), mais aussi, dans la peinture, et plus précisément, dans l’œuvre de Francis Bacon. Certaines « créatures » du film sont explicitement inspirées des tableaux de l’artiste. Il en résulte alors des séquences visuellement saisissantes et perturbantes. La musique lancinante et éthérée de Maurice Jarre vient quant à elle, ajouter une couche supplémentaire d’angoisse.

  • Echelle de Jacob, Adrian Lyne
  • Echelle de Jacob, Adrian Lyne

L’autre grande force de ce film, c’est la multiplicité de ses niveaux de lecture tout en gardant une certaine cohérence. L’Échelle de Jacob est un véritable mille-feuilles de sens que chacun·e peut interpréter à sa façon. Certain·e·s y verront un simple drame intime, d’autres y verront une plongée vertigineuse dans les méandres de la psyché humaine, une allégorie de la spiritualité (le titre du film faisant référence à un passage biblique), un brulot politique à charge contre l’armée, ou encore, une quête de rédemption quasi métaphysique.

Mais aussi fascinant que soit L’Échelle de Jacob, il est assez difficile d’en parler sans trop en dévoiler et il est important de découvrir le film sans en connaitre certains éléments car son intrigue repose sur un twist scénaristique. Et chaque symbole, chaque détail qui constitue le film a son importance pour le voir venir, le comprendre et l’apprécier. Finalement, L’Échelle de Jacob, c’est surtout un film passionnant qui joue avec les codes de l’horreur pour nous plonger au cœur d’un drame psychologique dont la fin est aussi troublante et surprenante que bouleversante.



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