Voir la terreur, expérimenter la peur

En réalisant le désormais culte Blair Witch Project, les deux réalisateurs Daniel Myrick et Eduardo Sanchez lancent le cinéma d’horreur et l’expérience cinématographique des amateur·e·s de bobines horrifiques sur de nouveaux sentiers interdits. Un nouveau genre appelé found footage se constitue rapidement avec le succès de saga comme Paranormal Activity, les séries de films Cloverfield ou encore [REC]. Les réalisateurs français ne sont pas en reste et plusieurs films, des productions indépendantes, bien sûr, s’inscrivant dans le genre found footage à la Française, ont vu le jour et ne sont pas dépourvus de qualités, loin de là ! Le dispositif est toujours ou presque le même. Des personnes disparaissent et le public devient le témoin des évènements qui ont conduit à leurs disparitions à travers des enregistrements trouvés.


Cama Cruso de Dando, 2022

Au début du film Cama Cruso était un ARG, un Alternate Reality Game soit un jeu de piste horrifique grandeur nature en ligne exploitant les réseaux sociaux, principalement TikTok. Issue de l’imagination de la team Shadowz qui s’associe à la société de production Trois Jours de Marche pour réaliser cet ARG d’horreur, l’expérience qui a réuni un nombre important de followers deviendra finalement un long-métrage.

Réalisé en 2022 par Dando alias Dayan D. Oualid à qui l’on doit le court-métrage Dibbuk, Cama Cruso est un found footage français particulièrement bien réussi et prenant du début jusqu’à la fin. L’histoire débute lorsque Anne une jeune journaliste, interprétée par Marie de Brauer, décide d’enquêter sur un étrange gîte découvert sur des vidéos TikTok et dont les intrigantes affiches l’interpellent ! Sur celles-ci, les résident·e·s du gîte, situé dans les landes, arborent des sourires effrayants et visiblement « forcés ». Le nom de Cama-Cruso faisant référence à une créature folklorique munie d’une jambe unique parfois munie d’un œil au genou et censée apparaitre la nuit pour kidnapper et dévorer les imprudent·e·s. Armée de sa seule caméra, Anne sera prête à tout pour découvrir l’horrible vérité qui se cache derrière les murs du gîte de la Came-Cruse !

Tourné en caméra subjective permettant ainsi aux spectateur·ice·s de s’immerger totalement dans l’intrigue, le metteur en scène sait parfaitement maintenir une tension constante tout au long de la durée du film. L’intérêt que l’on peut ressentir pour l’enquête/reportage menée par Anne ne faiblit jamais tout au long du périple dangereux de l’intrépide journaliste ! S’agit-il d’un jeu ou quelque chose d’horrible arrive aux gens qui se rendent au gîte ? Il faudra, bien entendu, attendre la fin du film pour découvrir la vérité.

Le film est disponible sur la plateforme Shadowz.

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Night Shot de Hugo König, 2018

Night Shot est le premier long-métrage du réalisateur Hugo König. Véritable exploit filmique, le film est un found footage qui se déploie en un unique plan séquence tourné à l’intérieur d’un bâtiment désaffecté. L’utilisation de ce dispositif permet ainsi au metteur en scène d’offrir une expérience unique et marquante au public !

Une jeune blogueuse, amatrice d’Urbex, part avec son caméraman filmer de nuit la visite d’un sanatorium depuis longtemps abandonné. Afin d’offrir une expérience unique à ses followers avides de sensations fortes, la jeune femme décide de tout filmer sans coupure, aucune ! Alors que les deux protagonistes s’enfoncent de plus en plus loin dans le bâtiment, celui-ci apparaît comme un véritable labyrinthe dont la sortie devient impossible à trouver ! Mais bientôt, des manifestations étranges et effrayantes commencent à apparaître et les découvertes macabres qui émaillent l’odyssée surnaturelle des deux protagonistes laissent présager que des évènements horribles se sont déroulés dans le passé !

Ce found footage à la française disponible sur Shadowz et Freaks On, mais aussi sur les plateformes VOD aux États-Unis, est une véritable réussite, même si des longueurs inhérentes au dispositif choisi, à savoir celui de filmer en un unique plan séquence, se font ressentir de temps en temps. L’atmosphère sordide et malsaine qui se fait ressentir, au fur et à mesure que les deux protagonistes se perdent dans ce labyrinthe à la fois architectural et mental, arrive très bien à retenir l’attention du public alors que l’on devine le passé horrible du lieu ! Avec le périple de la jeune blogueuse et de son caméraman, interprété par Hugo König lui-même, interroge sur la recherche coûte que coûte de l’audience et le goût plus que contestable des internautes pour le sensationnalisme, poussant ainsi les développeur·euse·s de contenus à se mettre en danger…

Le film est disponible sur les plateformes Freaks On et Shadowz.

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Gliitch de Hugo König, 2023

Seconde bobine du sieur Hugo König, Gliitch reprend le dispositif found footage du précédent film du réalisateur ainsi que le thème de l’exploration de lieux abandonnés. Troquant ici un sordide sanatorium, celui de Night Shot, avec une lugubre et étrange forêt, le jeune metteur en scène français plonge ses personnages et son public dans une angoissante aventure !

Une équipe de tournage à la recherche de sensations fortes part faire un reportage sur une forêt prétendument hantée. Escortée par une guide locale, toute la fine équipe s’enfonce dans la forêt caméra aux poings. Mais lorsque la guide commence à se comporter de manière étrange, comme possédée, le cauchemar commence pour ces vidéastes !

Entre horreur psychologique et traumatismes du passé, le réalisateur transforme le voyage sylvestre de ses protagonistes en une expérience introspective, faisant de la forêt hantée le lieu métaphorique de leurs confrontations avec leurs passés. Jouant avec plusieurs niveaux d’horreurs, Hugo König transcende ce qui aurait pu être un banal found footage en une réflexion sur les relations toxiques entre parents et enfants !

Le film est disponible sur la plateforme Freaks On

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Sorgoï Prakov de Rafaël Cherkaski, 2013

Réalisé par Rafaël Cherkaski en 2013, jeune réalisateur français, artiste/performeur protéiforme, le film Sorgoï Prakov symbolise à lui tout seul l’état du cinéma de genre en France, c’est-à-dire un cinéma ignoré par les institutions et le grand public, fauché, mais digne d’un grand intérêt, car radical et inventif. Totalement produit en dehors du circuit institutionnel en autoproduction, le film, qui a été découvert dans les festivals comme le Festival Cinémabrut mais surtout dans de nombreuses chaînes YouTube, a rapidement acquis une aura sulfureuse.

Sorgoï Prakov, un journaliste originaire d’un pays lointain appelé la Sdorvie, arrive à Paris pour vivre le « Rêve européen » avec l’intention de faire le tour du vieux continent. Mais au fur et à mesure qu’il découvre les futilités de la mondanité parisienne, les difficultés s’accumulent pour le touriste sdorvien le plongeant toujours plus dans la marginalité. Un instinct meurtrier s’éveille alors en Sorgoï Prakov semant son errance de cadavres !

Filmé à la manière d’un found footage, le dispositif a pour ambition de faire croire au public qu’il assiste au visionnage d’un reportage réalisé par ce jeune journaliste sdorvien, et que tout ce qui se dévoile à l’écran est vrai. Mais la définition du genre du film est comme le scénario, c’est-à-dire qu’il paraît facile à deviner au premier regard, mais en réalité, tous deux sont complexes faits de couches et de strates qui ne se dévoilent qu’au fur et à mesure du visionnage et seulement si le public fait l’effort de creuser assez profondément dans le discours du réalisateur.

Le film est disponible sur la plateforme Shadowz.

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Making Off de Cedric Dupuis, 2012

Réalisé par Cédric Dupuis, ce véritable OFNI trash et irrévérencieux est une véritable expérience cinématographique qui peut se révéler aussi bien marquante que traumatisante en fonction de la sensibilité du public ! Premier long-métrage du réalisateur qui revendique l’influence de C’est arrivé près de chez vous (1992) de Rémy Belvaux, l’œuvre de Cédric Dupuis peut faire penser à Sorgoï Prakov (Rafaël Cherkaski, 2013) de par ses dispositif et traitement filmiques choisis.

Cependant, contrairement aux déambulations parisiennes du désormais tristement célèbre journaliste sdorvien, la grande majorité de l’action du film se passe à l’intérieur puisque le cinéaste Dupuis met en scène un jeune réalisateur nommé… Cédric Dupuis (Sic!) qui à tout simplement l’ambition de tourner le plus grand film d’horreur de tous les temps, rien que ça ! Pour cela, ce John Carpenter du dimanche, va « utiliser » voire exploiter ses ami·e·s et sa copine, mais lorsque les choses ne se passent pas bien, forcément avec une production plus que fauchée et un casting médiocre, il bascule dans la folie meurtrière et décide de transformer son film en making off dans lequel il filme les meurtres des membres de l’équipe !

À l’instar de Sorgoï Prakov, le métrage de Cédric Dupuis développe une violence radicale et brutale qui apparaît à l’écran d’une manière aussi soudaine qu’absurde ! Le film permet ainsi à son auteur de pointer du doigt aussi bien la mégalomanie mal placée de certain·e·s artistes, la recherche de la notoriété quels que soient les moyens pour y arriver aussi bien que la recherche d’images sensationnalistes de la part du public !

Le film est disponible sur les plateformes Freaks On et Shadowz.

  • Making Off
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