The Moor (Chris Cronin, 2024) est un film angoissant, un drame sombre, qui frôle avec le film de hantise et même l’adaptation lovecraftienne. En provenance du Royaume-Uni, The Moor nous conte le récit déchirant de Claire (Sophia La Porta), une jeune femme qui est contactée par le père de son ami d’enfance assassiné 25 ans plus tôt pour le supporter dans sa recherche du corps de son fils, Danny. Claire se retrouve alors à enquêter au sein d’une gigantesque lande humide et brumeuse, parsemée de tourbières, en compagnie d’une petite équipe constituée par Bill (David Edward-Robertson), le père de Danny. Yorkshire, 1996. Le film débute avec Claire et Danny, enfants, qui organisent un plan pour voler des bonbons à l’épicerie du coin. En un plan-séquence, la caméra se concentre alors sur la petite fille, qui demande à son ami de distraire l’épicier tandis qu’elle entre discrètement à la suite de Danny pour s’emparer des confiseries. Le projet était pourtant simple : le petit garçon devait jouer le gamin éploré à la recherche de son père et capter le plus longtemps possible l’attention. Claire s’exécute, vole, puis ressort rapidement en attendant la sortie de Danny. Quelques minutes passent durant lesquelles la fille goûte à sa sucette, elle attend, puis repart chercher Danny à l’épicerie. Le commerçant, méfiant, lui annonce que son père est bien venu le chercher. Après cela, plus aucune trace du très jeune homme…

The Moor

The Moor nous propulse 25 ans plus tard. Avec des procédés documentaires et autres entretiens filmés, on comprend vite qu’un criminel a été arrêté pour le meurtre de plusieurs enfants. Il a pris la perpétuité (à savoir 25 ans au Royaume-Uni), mais il n’a jamais parlé de l’endroit où pourraient se trouver les corps. Bill, en l’absence du cadavre de son fils, n’a jamais vraiment fait son deuil. Il usera alors de toutes les techniques pour retrouver le corps de Danny dans sa dernière demeure, se tournant finalement vers le spiritisme et la radiesthésie.

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La tourbière est une zone géographique toute particulière, parfaite pour répandre l’horreur et le mystère. Dans cette tourbière semblant hantée, le silence est roi, seuls quelques moutons sauvages trainent et fixent lourdement les passant·e·s en leur domaine. Entre une brume épaisse, d’anciens monolithes, et des marais sinistres, le petit groupe part à la recherche de preuves, d’évidences et pourquoi pas de cadavres conservés par la boue. Un mélange de plans larges sur la lande, de plans rapprochés sur les visages fatigués et inquiets des membres de l’équipe de recherche et des séquences de bodycam portée par Claire, le réalisateur Chris Cronin nous plonge inexorablement dans une aventure morose et menaçante sous tous les angles. Un rythme lent, peut-être un peu trop, qui fait écho à la longueur de ce cold case ayant détruit des familles, plongé Claire dans la culpabilité, et aussi réveillé quelques forces obscures en provenance de la nuit des temps.

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Avec un onirisme quasi lovecraftien, Chris Cronin réveille les mort·e·s, les souvenirs, mais aussi les secrets enfouis. Que ce soient ceux du meurtrier ou ceux des tourbières, ces mystères semblent dépasser l’entendement humain. Des moutons borgnes, des fantômes dans l’obscurité et le soleil qui peine à pointer le bout de son nez, telle est la « vie » sur la lande. Avec presque rien, The Moor arrive à nous faire frissonner, à nous faire vivre son ambiance ténébreuse, à nous faire ressentir le profond doom de ses protagonistes.

Drame hautement mélancolique ou épouvante ancestrale ? La réponse n’est pas forcément claire, mais ce n’est pas le sujet du métrage. The Moor se concentre sur le désespoir de ses personnages, et celui de son paysage. D’abord pour une première virée en compagnie de Claire et de Liz, une amie ranger de Bill, puis avec l’intervention d’Alex, une sorte de médium, et de sa fille, Eleanor, une jeune femme capable de communiquer avec l’au-delà (on assistera d’ailleurs à une performance toute particulièrement convaincante de la jeune spirite interprétée par Elizabeth Dormer-Phillips qui joue la perdition et l’inquiétude à la perfection), l’enquête prend une tournure de plus en plus sinistre et la folie s’immisce peu à peu dans l’atmosphère déjà bien chargée du film.

The Moor

En bref, The Moor est un film dont l’horreur se propage sinueusement, dans l’obscurité de ce qu’on ne voit pas à la caméra, mais qu’on devine, qu’on imagine, et qui chuchote même si elle n’est pas audible… et il est disponible sur Shadowz !


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