Réalisé par Taratoa Stappard, Mārama (2025) est un film d’horreur gothique néo-zélandais qui nous conte l’histoire d’une jeune femme maorie du nom de Mary à la recherche de son identité. Le récit prend place dans le Yorkshire du Nord (Grande-Bretagne), en 1859. Il débute avec le voyage de Mary vers un cabanon côtier appartenant à un certain Boyd, un inconnu qui lui a envoyé une mystérieuse lettre lui promettant de lui révéler des secrets sur sa famille et ses origines. Il n’en a pas fallu davantage à cette orpheline recueillie par des occidentaux lorsqu’elle était bébé à plier bagages dans une quête effrénée vers ses racines. Arrivée sur place, elle ne découvre qu’une petite habitation vide mais se retrouve très vite embarquée dans une sublime bâtisse, un manoir victorien aux mains de Nathaniel Cole, anciennement baleinier, qui a fait fortune. La jeune maorie qui a fait le trajet depuis Aotearoa pour se rendre en Angleterre se verra alors proposer un poste de nourrice pour la petite-fille de cet étrange nanti fasciné par la culture maorie, qui parle sa langue et qui semble posséder des informations sur sa famille biologique. Malgré son mauvais feeling, elle accepte car la jeune femme y voit une façon d’en apprendre davantage sur ses origines. De terrifiantes visions, des mystères cachés dans les sombres recoins du manoir et des situations de plus en plus insupportables vont rapidement transformer son séjour en un véritable cauchemar…
Avec son inspiration gothique assumée du film Les Innocents (Jack Clayton, 1961), Mārama est une narration sur les horreurs de l’appropriation de la culture maorie par les puissances occidentales et sur les nombreuses dérives de la colonisation de la Nouvelle-Zélande. On y retrouve cette jeune femme, premièrement dépossédée de son prénom d’origine (Mārama), véritablement perdue entre deux cultures, des occidentaux qui fétichisent sa culture d’origine au point de vouloir se l’approprier sous de nombreux aspects et toujours, cette volonté grandissante de ce Lord Cole de posséder, encore et encore plus de « trésors » de la culture maorie jusqu’à faire preuve d’une obsession maladive et déshumanisée. La fétichisation est bien une forme de racisme et elle est brillamment et intelligemment mise en scène dans toute sa glauquitude dans le film : des objets d’art aux tatouages en passant par la reconstitution d’une maison traditionnelle maorie au sein du domaine victorien, le collectionneur s’enlise dans ses maniaqueries tandis que Mary ne se décourage pas. Ce qu’elle veut, c’est la vérité sur ses parents biologiques quoi qu’il lui en coûte. On perçoit peu à peu la manipulation de Cole, bien décidé à la faire rester. Et plus l’Anglais s’adonne à ses petits jeux cruels, disséminant des parts de vérité au compte-goutte, plus ses véritables intentions se dessinent.
La vengeance explosive de Mārama
Mārama est avant tout un film de vengeance féminine et indigène qui explose nos rétines tant grâce à ses décors parfaitement maitrisés qu’avec les performances incroyables de son acting. Avec une scène de haka absolument grandiose, l’actrice Ariāna Osborne nous fait ressentir toute la fierté et la colère d’un peuple volé, violé, dans son intimité par des hommes avides d’aventures, de richesses et de territoires, pensant à tort que tout leur appartient, qu’ils peuvent tout s’approprier par la force. C’est là que les ancêtres de la jeune femme interviennent à travers des visions et qu’elle découvre son héritage matakite. Peu à peu, la vengeance des cultures colonisées et plus particulièrement des femmes, fétichisées, abusées, utilisées, volées, s’exprime en même temps que Mārama prend les choses en mains !
Un retour aux sources pour Taratoa Stappard
En plus d’être une lourde et sanglante critique du système colonial occidental, Mārama est également une occasion pour le réalisateur de redécouvrir sa propre culture et de réaliser un film tourné intégralement en Nouvelle-Zélande, son pays de naissance. Le décor de cette Angleterre victorienne humide et froide a été reconstitué en Océanie, ce qui a rendu plus aisé le tournage d’un film avec de nombreuses personnes maories au sein de l’équipe.
« C’était vraiment merveilleux parce qu’on a pu travailler avec une équipe maorie et non-maorie, un casting maori, et globalement beaucoup plus de personnes d’origine maorie que si ça avait été tourné en Angleterre. Pour moi qui n’ai pas eu la chance de grandir à Aotearoa en Nouvelle-Zélande, j’ai eu l’occasion d’être entouré de personnes maories et de redécouvrir ma culture. C’était une bénédiction ! »
Sous une pluie d’applaudissement, Mārama a été présenté lors la compétition des films fantastiques du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg.
By Syneha

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