Entre les apocalypses d’invasion alien lovecraftienne, les accidents cosmiques ou technologiques et les contagions de zombies et autres joyeusetés, il y a le retour d’une fin du monde divine et bien déjantée avec Matar a Dios (Caye Casas et Albert Pintó, 2017) actuellement dispo sur Freaks On. Que ce soit un périple pour sauver une ère du déclin dans Le Seigneur des anneaux, The Witcher, La Roue du Temps, ou encore la réinitialisation de la Matrice… Les protagonistes de ces histoires se battent ensemble contre la destruction de leur monde. Dans la même veine que Dogma (Kevin Smith, 1999), Matar a Dios est une comédie fantastique mettant en scène un couple dysfonctionnel constitué de Carlos, un mari jaloux et sexiste avec sa femme Ana qu’il soupçonne de le tromper. L’homme s’énerve contre son épouse après avoir découvert un message tendancieux envoyé par son patron. Une phrase qui lui restera d’ailleurs en travers de la gorge durant toute son incroyable soirée. Dans une maison rurale et isolée louée pour le Nouvel An, le duo attend la venue de deux autres convives : Santi, le frère de Carlos, suicidaire depuis sa rupture avec sa femme, partie avec un homme plus jeune ; et leur père, désabusé et récemment veuf, qui tente de profiter au mieux de la vie préférant utiliser son argent afin de payer des escort girls pour lui tenir compagnie que de prendre ses médicaments pour le cœur. La soirée commence déjà tendue tant Carlos se montre insupportable avec son entourage mais l’apparition soudaine d’un étrange invité dans les chiottes de la demeure vient ajouter un élément perturbateur à l’histoire… Prise de panique, la famille s’armera avant de faire face à l’intrus et, après avoir bien tiré la chasse d’eau, un nain barbu et cynique déboule dans le salon. Le sans-abri prétend être Dieu et que nos quatre protagonistes ont été choisi·e·s pour décider du sort de l’humanité. Un ultimatum divin les oblige à écrire les noms des deux seul·e·s survivant·e·s de l’espèce humaine avant l’aube, sous peine de tou·te·s y passer !

Matar a Dios mélange une bonne dose de cynisme, de dépression et d’humour lourd de la part de ses protagonistes. Cette petite perle du cinéma espagnol met en scène toute la spontanéité d’une famille réunie ensemble pour des festivités de fin d’année pour le meilleur comme le pire. Cette comédie dramatique, qui frôle avec une horreur à mi-chemin entre un drame psychologique, une satire sociale et une apocalypse religieuse en approche, place des gens ordinaires dans le rôle de protecteurs de l’humanité. Il en ressort des dialogues très bien écrits entre incrédulité, colère, égoïsme, envies suicidaires et machisme, le tout dans un style léger et dynamique. Cependant, le quatuor devra prendre la responsabilité qui lui a été confiée malgré leurs soucis personnels : choisir deux personnes pour assurer le futur de l’espèce humaine. La réussite de ce film tient en grande partie sur son acting d’un fabuleux réalisme, humain et déchirant. Des situations rocambolesques et des dialogues absurdes associés à une petite touche gore bien kitsch servent à la fois le discours des réalisateurs sur les archétypes de la société espagnole et l’attachement du public pour cette famille prise en otage par un Dieu déluré et qui doit maintenant assumer des responsabilités que personne n’aurait pu imaginer. Bien que le peu d’effets visuels aient un côté très retro, ce drama familial parait si naturel à l’écran !

Comme c’est la tendance dans un huis clos, les secrets et les ressentiments de chacun·e seront peu à peu mis en lumière. Ingénieux, drôle et dramatique à la fois, Matar a Dios possède son propre rythme qui oscille entre règlements de comptes familiaux, questionnements pseudo-philosophiques et incompréhensions totales. Le mystérieux invité semble fou mais il fait la démonstration de ses pouvoirs tandis que la famille reste perplexe, abasourdie et face à ses propres conflits. Seul le plus jeune frère semble avoir une once d’humanité en lui tandis que les autres s’enfoncent dans leurs ressentis personnels. Une critique de l’égoïsme ? Une ode à l’empathie ? Mater a Dios reprend la thématique d’une mission divine donnée à une bande de bras-cassés à l’instar du film d’Alex de la Iglesia, Le Jour de la bête aka El día de la bestia (1995) dans une ambiance bien plus intimiste et avec des personnages explosifs aux visions très différentes de la vie.

Face à un Carlos égoïste et mesquin qui tape sur les nerfs mais qui semble très attaché à son petit frère ; un père se sachant au bord de la mort ; un frère dépressif et profondément humaniste qui ne souhaite pas survivre à une apocalypse et Ana, une femme malheureuse dans son mariage mais qui n’envisage pas une seconde de quitter son époux, l’intrus apparait amusé, léger et un peu cinglé. Impressionnant et sarcastique, « Dieu » est un troll : il avoue que le Paradis n’est qu’un leurre, il s’amuse des réactions de ses otages et engloutit les mets disposés sur la table. Malgré sa petite taille, tout est tourné pour que ce mystérieux personnage apparaisse comme menaçant et en position de domination totale sur les autres protagonistes. La décoration du domaine jouant avec des peintures chrétiennes et des crucifix accrochés un peu partout sur les murs de la maison viendra ajouter une esthétique de menace divine à l’apparition de l’homme. Matar a Dios est un huis clos absurde doublé d’un drama familial pourtant si tendre, un The Man from Earth (Richard Schenkman, 2007) délirant et sombre. Pourquoi Dieu aurait choisi cette famille ? Afin d’exprimer le potentiel de l’humanité à tout foutre en l’air ! Malgré quelques éléments fantastiques aux prémices de l’intrigue, il faudra attendre le final du film pour découvrir l’identité de ce « Dieu » venu s’incruster au repas de famille de personnages au bord de l’implosion. Simple hurluberlu SDF ou incarnation de Dieu sur Terre, cet invité venu de nulle part apporte avec lui un volcan de questionnements et de contradictions humaines…


Auteur / autrice

  • Syneha Raktajin0

    Elle aime lire, écrire – des phrases beaucoup trop longues –, voyager, jouer aux jeux vidéo, en particulier les RPG Japonais, et regarder des films de genre à gogo, surtout ceux qui donnent des frissons tout partout ! Sorcière au caractère lunatique qui passe du rire aux larmes bien trop facilement, elle se prend à rêver à des utopies à la Star Trek ou encore une romance à la Pocahontas – au détour de la rivière sous un saule pleureur-mamie gâteaux. Son style favori : sa broche du prisme lunaire et ses commandes d’invocation de Gilgamesh tatouées sur sa main gauche.

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