Banishing : La Demeure du mal aka The Banishing (Christopher Smith, 2020) met en scène la mission du révérend Linus (John Heffernan), envoyé par l’évêque Malachi (interprété par John Lynch) dans le petit village de Morley au sein d’un presbytère quelque peu mystérieux. Ce film d’horreur britannique teinté d’occultisme et de paranoïa nous propulse aux prémisses de la Seconde Guerre mondiale (l’intrigue prend place en 1938) durant laquelle la lutte contre le fascisme fait bon train dans le Yorkshire de l’Ouest et se mêle à des interdits religieux puissants qui écrasent les individus.
Jaloux, conservateur et effrayé par la libido, ce vicaire conduit peu à peu sa femme Marianne (Jessica Brown Findlay) et sa fille Adélaïde (Anya McKenna-Bruce) vers une vie de privation et de froideur. Les apparences sont trompeuses et cette petite famille respectable de l’extérieur sombre dans une folie onirique dans laquelle les tentations si longtemps bridées se transforment en une violence explosive faite de suspicions et de colère. Femme aujourd’hui respectée même si ça n’a pas toujours été le cas, Marianne se montre de plus en plus véhémente au sujet de sa lutte contre le fascisme, ce qui ne plaît pas à son époux qui n’apprécie pas trop qu’elle prenne de telles initiatives. C’est alors qu’un certain Harry Reed (Sean Harris) leur raconte qu’un prêtre a vécu dans ce manoir. C’est ici qu’il aurait assassiné sa femme. L’étrange demeure se nourrit de la honte, de l’hypocrisie et du rôle que les membres de cette petite famille jouent devant les autres, dresse les enfants contre leurs parents, les maris contre leurs femmes et provoque des hallucinations qui perturbent l’ensemble des résident•e•s.
Entre les menaces de l’évêque et celles de la guerre en approche, la honte et la peur sont les principales thématiques de ce thriller : peur qu’on découvre que la jeune Addy est un enfant illégitime, honte et rejet des plaisirs charnels, peur des tromperies et du caractère bien trempé de sa femme, angoisse du fascisme. Et tandis que Marianne en a peur parce que ces secrets pourraient détruire l’équilibre si fragile de sa famille, Linus en a honte à cause de ses valeurs religieuses. Une maison maudite à la Amityville qui pousse ses habitant•e•s à révéler leurs parts sombres et à affronter leurs vraies personnalités. Après tout, nous ne sommes nous-mêmes que lorsque nous sommes seul•e•s face au miroir.
Marianne vit mal le fait que son mari refuse de la toucher tandis que celui-ci rejette totalement ses envies en les jugeant inappropriées à de bon·ne·s catholiques. La femme, quant à elle, recherche le bonheur d’une caresse, de l’amour partagé, que ce vicaire lui refuse par convictions religieuses. Bientôt, ces frustrations accumulées vont se mêler à une réalité alternative accessible depuis les sous-sols lugubres de ce bâtiment qui semble possédé par d’étranges puissances. Et Addy devient le seul lien qui les unit pour le meilleur comme pour le pire… Les tensions entre le couple grandissent au fur et à mesure des minutes de ce métrage. De plus en plus paranoïaque et contrôlant sur les activités de sa famille, Linus interdit finalement à Marianne de parler à d’autres hommes. Quel dommage qu’il faille de la jalousie pour te rendre passionné, lui balancera-t-elle après qu’il l’ait injustement accusée.
Son abstinence le pousse alors à être persuadé que son épouse le trompe avec d’autres. Des peurs qui se renforcent petit à petit, entraînant cette famille dans des relations intrafamiliales toxiques et des chimères cauchemardesques. Traumatisée par la vision d’une femme entourée de trois moines, Adélaïde refuse de voir sa mère comme sa génitrice, et l’enfant se comporte de façon de plus en étrange, allant jusqu’à discuter avec une entité invisible qu’elle prend pour sa véritable mère.
D’un fascisme national-socialiste à un puritanisme religieux, l’emprisonnement semble le même : l’impossibilité de vivre en étant soi-même, la peur du regard des autres en pleine période fascisante, l’intolérance et le danger qui en découle. Un terrible malédiction d’une femmes mutilée, écorchée et rejetée par cette turpitude chrétienne de cette jouissance interdite s’étend. Les moines pécheurs se lacèrent le visage par honte du désir charnel, sans assumer ce qu’ils furent. À la recherche d’une Adélaïde disparue, notre héroïne se confrontera alors aux fantômes du passé : elle n’a absolument pas honte de cette merveilleuse nuit passée avec le père de sa fille conçue hors mariage ! Et c’est bien cette assurance qui sauvera sa famille avant qu’elle ne vole en éclats, déchirée par des esprits consumé·e·s par la terreur des dogmes et la flétrissure.
