« Vous ne pouvez pas réaliser votre propre film », « Vous devez avoir une armée de réalisateurs et de scénaristes et des millions de dollars de budget », et « Vous ne pouvez pas réussir en tant que réalisateur indépendant », telles sont les illusions que Lloyd Kaufman tente de briser avec son nouveau livre Direct Your Own Damn Movie! (Réalisez votre propre film !) publié en 2009. Ce précieux manuel de réalisation de films écrit par l’auteur de best-seller Make Your Own Damn Movie! et créateur des studios Troma, Lloyd Kaufman, et publié par les éditions Focal Press avec l’aide de l’acteur Kurly Tlapoyawa et de l’écrivaine Sara Antill. Cet œuvre est là pour aider les aspirant·e·s cinéastes à trouver leur propre voie en s’affranchissant de l’autorité tyrannique d’Hollywood, et aussi pour faire mourir son lectorat de rire en même temps.

D’abord, cette énigme de 240 pages, dédiée à l’épouse de l’auteur, Patricia Swinney Kaufman, est pleine d’interjections de divers individus, il est quasiment impossible de lire une page entière sans lire un commentaire d’une personne rajoutant ses propres idées au texte. En effet, ces interventions sont généralement de nature humoristique (de l’humour noir et des blagues douteuses), par exemple, on trouve des mails de la part de la maison d’édition lui demandant de rester sur le sujet et d’essayer de donner des conseils et ne pas se contenter de divaguer constamment. On rencontre également des commentaires du part des géants superstars (et même des pornstars avec Ron Jeremy, des écrivains comme Stan Lee) et directeurs des films, James Gunn en tête, à Hollywood donnant de bonnes astuces pour réaliser des métrages).

Ce livre n’est certainement pas pour les âmes sensibles, il permet d’apprendre pratiquement tous les gros mots de la langue anglaise, et ce n’est que la moindre des questions troublantes concernant cet ouvrage. Effectivement, l’ouvrage joue sur la provocation et parfois avec beaucoup de mauvais goût, par exemple, parmi les thèmes abordés, on trouve l’acte de noyer des chatons, des blagues sur la pédophilie, et bien sûr, des blagues sur le sexe, pas excessivement, juste quelques centaines sur chaque page.

Direct Your Own Damn Movie! est constitué de 11 chapitres et il possède un style d’écriture que l’on trouve rarement ailleurs et certainement pas dans un manuel officiel. Pour un chapitre donné, la majeure partie du texte ne concerne pas la réalisation de films, par contre il y a des anecdotes, et des anecdotes et encore des anecdotes. L’auteur américain trouve toujours un moyen de relier ses divagations aléatoires ou encore des pages entières écrites par d’autres personnes à son histoire personnelle et à d’authentiques conseils plus que judicieux dans le domaine de la réalisation, mettant ainsi en avant ses 40 ans d’expérience dans le cinéma d’horreur engagé. Ce narrateur étant aussi un scénariste alterne les longues histoires sur son vécu et ses conversations avec ses employé·e·s (qui sont souvent des bénévoles) et des informations détaillées et bien documentées sur la mise en scène, par exemple sur la manière de choisir un style de rédaction de scénario, la lumière et les angles de caméra, et bien d’autres aspects complexes de la fabrication d’un film, viennent agrémentées le texte.

Il explique en profondeur les différentes étapes de la réalisation d’un film comme : la rédaction de scénarios (son pire cauchemar), la préparation du tournage, le casting (quasi strictement des bénévoles au Troma Studios), la gestion du plateau de tournage où l’auteur affirme la nécessité d’être aussi contrôlant que possible (ce qui est ironique au regard de son opinion sur les tyrans d’Hollywood), et puis la post-production, étape préférée de Lloyd Kaufman dans la réalisation d’un film, et finalement la diffusion, une étape que son assistante s’oppose à ce qu’elle figure dans un livre sur la réalisation de films. D’ailleurs, toujours en parlant des subtilités qui rendent ce bouquin si spécial, il y a le nombre d’images et d’illustrations qui pullulent tout au long de cette publication. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un cas exceptionnel pour un manuel, c’est quand même une rupture avec l’aspect terne du manuel standard non seulement avec le côté humoristique de ces illustrations (surtout le chapitre 11), mais également avec la nature de ces images, qui sont pour la plupart des photos des personnes qui interviennent dans le processus d’écriture, souvent vues en train de se poser pour une photo avec Lloyd Kaufman.

Direct Your Own Damn Movie! suinte le sentimentalisme et cela se voit dans plusieurs démarches du livre qu’il s’agisse de la passion de cinéaste pour la réalisation de films, la proximité de l’auteur avec ses éditeurs, avec ses collaborateurs et toutes les personnes qui ont contribué à la réalisation de cette œuvre. Enfin, la fierté que l’auteur éprouve à l’égard de ce qu’il accompli dans sa vie se mélange à parts égales avec de l’autodépréciation, de l’autodérision et une certaine mélancolie.


Laisser un commentaire