Ça faisait longtemps que je n’avais pas fait de chronique de livres, il faut dire que cela demande beaucoup de temps et de patience, surtout si l’on s’apprête à lire le fabuleux ouvrage de Fabien Mauro : Kaiju, Envahisseur & Apocalypse. Il faut dire qu’on a le droit avec notre cher auteur à une somme très impressionnante d’un peu plus de 500 pages sur la science-fiction japonaise, son histoire et son évolution. Paru en 2023 aux éditions Aardvark à qui on doit des produits livresques de très bonne facture. Se proposant de revenir sur quasiment 30 ans de cinéma de science-fiction japonais, Fabien Maura nous délivre un propos passionnant et pertinent sur tout un pan du cinéma de genre nippon, et sur ses heures de gloire. Il faut dire que le monsieur s’y connait pas mal sur le sujet, ayant déjà collaboré avec des grands noms comme Mad Movies, G-Fan, mais aussi ayant déjà sorti son très intriguant Ishiro Honda : Humanisme monstre aux éditions Rouge Profond.

On est donc face à un connaisseur à qui l’on peut faire grandement confiance. Mais il ne faudrait pas oublier le deuxième pilier qui est derrière cette impressionnante monographie, je me dois de citer également Mathieu Col, qui est surtout connu pour son impressionnant travail chez l’éditeur vidéo Blaq Out. Tous deux, ils vont apporter une dose de savoir non négligeable sur près de 600 pages !

Et en effet, je n’ai pas eu une seule seconde tort d’avoir eu confiance en notre cher auteur, tant son propos est cohérent et complet sur l’ensemble de son ouvrage. Ayant séparé sa fresque en six parties, allant de 1949 à 1980, Fabien Mauro a su donner à son écrit une dimension scientifique et passionnée. Depuis l’émergence du monstrueux Godzilla (Gojira pour les fin·e·s connaisseurs et connaisseuses), les studios japonais n’ont cessé de rivaliser d’ingéniosité et de créativité afin de produire des films de plus en plus gargantuesques en termes d’ambition, mais aussi des monstres (en japonais kaiju) de plus en plus terrifiants.

Ces différents monstres ne sont pas que de simples bestioles sorties de l’imagination hasardeuse d’un producteur en quête d’absurdité et d’argent. Ce sont de véritables symboles faisant intégralement partie du paysage culturel nippon. Ces symboles, on les retrouve dans une multitude de films que les cinéastes japonais vont diversifier avec brio, à savoir : le film catastrophe, le space-opéra, le film de super-héros, le film d’extra-terrestres, le film de savants-fous et surtout les films de monstres (kaijū eiga).

Godzilla est une genèse qui est analysée ici avec brio, tant il réunit tous les enjeux économiques et sociaux de l’époque de sa création. Véritable acte militant anti-nucléaire, « Godzilla » premier du nom est un symbole culturel fort d’un Japon dévasté qui doit absolument se relever de la catastrophe nucléaire qu’elle vient de subir. Ainsi l’incroyable productivité des studios japonais, pour donner vies à des idées nouvelles vont permettre au pays du soleil levant de créer son propre cinéma et ses propres codes, aussi bien narratifs que visuels. Véritable laboratoire de nouveautés, le Japon saura dominer culturellement au fil des années, malgré une progression lente et semée d’embuches. L’idée de revenir sur près de 30 ans d’histoire cinématographique nippone n’est pas une tâche facile, mais il faut dire que la richesse des sources consultées, ainsi que l’ensemble des archives rassemblées poussent à l’admiration.

Entre les nombreuses références filmographiques citées, les interviews quasiment inédites remises au goût du jour dans notre bonne langue de Molière, les documents iconographiques (affiches, photos de tournages, etc.), on est face à un véritable mastodonte encyclopédique. Notons que le lecteur ou la lectrice pourra également facilement s’y retrouver s’iel souhaite naviguer de manière précise au sein de cette encyclopédie étant donné l’organisation chronologique et thématique des différentes parties. Libre à nous également de se perdre dans l’énorme partie « encyclopédie » si on veut cibler sa connaissance sur un sujet précis. Je me dois également de remercier les éditions Aadvark pour cette palpitante monographie !

Pour moi : Kaiju, Envahisseur & Apocalypse est une monographie unique en son genre et excellemment sourcé. Dans cet ouvrage, on découvre un véritable regard scientifique et historique qui est portée sur près de 30 ans de cinéma japonais, ce qui montre encore une fois que le septième art va au-delà des simples frontière de l’art : il est culturel, économique et social.


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