Enfilez votre plus belle veste en cuir, et votre veste à patch la plus custom, aujourd’hui on part à la rencontre d’une Amérique sauvage et rebelle avec The Bikeriders de Jeff Nichols. On pourrait s’attendre à un film rempli de testostérone, vantant la vie de biker, et la liberté qu’elle offre, mais il n’en est rien. Inspiré par l’album photos du même nom créé par Danny Lyon, The Bikeriders se veut avant tout une approche réaliste et nuancée de la culture biker aux États-Unis. On y suit dans le Midwest des années 1960 un groupe de bikers appelé les « Vandals », qui va progressivement entamer une lente descente aux enfers, en tombant progressivement dans le crime, l’alcool et la drogue.

J’étais au départ sceptique face à une telle œuvre, en effet adapter un album photos en film n’est pas un exercice évident du tout. Il nécessite beaucoup d’inventivité et de capacité d’adaptation face à un art qui fige les images dans le temps, contrairement aux films qui les animent. Toutefois, le postulat de départ est parfaitement réussi. Jeff Nichols arrive parfaitement à retranscrire l’ambiance d’un groupe de bikers des 60’s, mais également les hauts et les bas d’une telle culture. On nous propose une palette de personnages diversifiés, à la personnalité plus ou moins travaillée cependant. On se plait toutefois à suivre ce petit groupe aux premiers abords fort sympathique dans leur joie, mais également leurs désillusions. En effet The Bikeriders est avant tout un film qui s’intéresse à la marginalité, les Vandals étant à premier lieu un club où tous ceux et celles laissé·e·s pour compte peuvent se rencontrer et partager leur passion pour les gros cylindres.

Jeff Nichols revient toujours à une thématique qu’il adore traiter, celle des classes laborieuses, qui essaient de trouver leur voie et leur bonheur dans une Amérique qui se veut de plus en plus cruelle et capitaliste envers les petites gens. Il prend également un malin plaisir à traiter de la masculinité dans tous ses vices, particulièrement celui des sentiments. C’est donc pour cela que le cinéaste décide de raconter l’histoire sous forme de flashback au travers de Kathy, petite amie de Benny, membre influent et respecté des Vandals. L’approche se révèle ainsi quasiment sociologique, puisque la recherche d’une identité individuelle ne peut se faire qu’en intégrant un groupe aux codes et aux principes collectifs.
Ainsi, l’aspect profondément humain et complexe du monde des bikers se révèle le point fort du film. Il est particulièrement bien mis en avant au travers d’acteurs talentueux, notamment Austin Butler et Tom Hardy qui arrivent ici parfaitement bien à accorder les spécificités de leur acting. Ils arrivent à retranscrire un sentiment de liberté profond, mais aussi une violence qui tend à s’institutionnaliser de plus en plus au sein de ces groupes. The Bikeriders cherche donc à mettre en avant une Amérique profonde, dans laquelle les jeunes peinent à trouver leur place dans une société qui tend à les conformer dès le plus jeune âge, et à détruire leurs sentiments et leur individualité. La formation de groupes « marginaux » faisant valoir leur amour pour les routes paumées d’une Amérique rurale, et pour les grosses bécanes se révèle ainsi touchante.

Il est toutefois dommage que Jeff Nichols peine parfois à évoquer le contexte historique ayant amené à la formation de tels groupes, notamment la naissance des mouvements de contre-culture, avec la guerre du Vietnam, qui viennent contester les valeurs d’une Amérique puritaine qui n’est plus que l’ombre d’elle-même. Il est également dommage que parfois le film ne donne pas une profondeur équivalente à tous les personnages. On a parfois le sentiment désagréable d’être mis vraiment face à des photos, ce qui pose un problème au niveau de l’attachement que l’on peut avoir de ses personnages. Aussi, on a parfois l’impression que le film peine à dérouler le bout de son histoire dont la fin se révèle d’ailleurs trop abrupte à mon humble avis (un avis de con sans doute).

Cependant, The Bikeriders se révèle être un film très touchant, et anthropologique dans son approche de la collectivité et de la violence, n’hésitez pas à le découvrir !

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