Fut un temps, les personnes considérées comme folles étaient isolées et internées dans des asiles, souvent dans des conditions inhumaines. Ces institutions ont longtemps été considérées comme des lieux de confinement plutôt que de soins, et les patient·e·s y étaient souvent traité·e·s de manière brutale et cruelle.

Au Moyen Âge, la folie était considérée comme une possession démoniaque. Les patient·e·s étaient alors soumis·es à des exorcismes et à des pratiques brutales pour chasser le démon. Ce n’est qu’au 18ème siècle que la compréhension de la « folie » a évolué, passant d’une vision purement religieuse à une vision plus scientifique. Les asiles furent ainsi créés pour abriter les personnes considérées comme « folles ».

Au cours des siècles suivants, ces asiles ont continué à être utilisés pour confiner les personnes ayant des troubles mentaux, mais les pratiques d’internement ont évolué. Les asiles ont progressivement été remplacés par des hôpitaux psychiatriques. Les pratiques de soins ont commencé à se concentrer sur la réadaptation et la réinsertion sociale plutôt que sur le simple confinement.

Malgré ces améliorations, les asiles et les hôpitaux psychiatriques ont souvent été associés à des pratiques inhumaines et à une mauvaise qualité de soins. Les films d’horreur ont souvent exploité ces thèmes, en les présentant comme des lieux effrayants et sinistres, peuplés de patient·e·s sous-traité·e·s et de médecins fous.

Tout ceci a particulièrement influencé les films d’horreur et de genre des années 1970 et 1980, avec bien évidemment Vol au-dessus d’un nid de coucou (1975) de Milos Forman. Ces films ont souvent présenté des scènes brutales et violentes, mettant en scène des patient·e·s et du personnel médical impitoyable, et ont souvent exploré les thématiques de l’isolement et de la folie.

Au fil des ans, les films d’horreur ont continué à développer ces sujets, mais ils ont également commencé à explorer les conséquences de la stigmatisation et de la discrimination envers les personnes souffrant de troubles mentaux. Des films comme Shutter Island (2010) de Scorsese ou Split (2016) de Shyamalan ont montré comment les patient·e·s sont souvent exploité·e·s et sous-traité·e·s par les systèmes médicaux et sociaux qui prétendent les soigner.

Mais tout ça, c’est du cinéma, me direz-vous. Qu’en est-il en vrai ? Quelle est la place du fantasme dans la folie transposée au cinéma ? Mais d’ailleurs, comment sait-on si on est fou·folle ou non ? J’ai posé quelques questions à B., psychologue clinicienne, en essayant de ne pas passer pour un psychopathe. 

Winona Ryder & Angelina Jolie dans Une vie volée (James Mangold, 1999)

Bonjour ! Tout d’abord, peux-tu te présenter ?

Bonjour, je suis psychologue clinicienne depuis un peu moins de 10 ans et adepte des films d’horreurs depuis un peu plus de 20 ! Je travaille pour une association où j’accueille des personnes traversant des moments de vie difficiles et j’essaye de les aider à avancer le moins douloureusement possible !

Rentrons dans le vif du sujet : Dans les films d’horreur, les asiles, hôpitaux et autres institutions psychiatriques sont souvent présentés comme hantés ou le lieu d’événements plutôt glauques. Qu’en est-il en vrai ?

Au risque de décevoir, les hôpitaux psychiatriques ne sont pas hantés. Enfin, si, ils le sont mais pas de la manière dont les adeptes de films d’horreur peuvent l’imaginer ! Avec les différentes coupes budgétaires que notre système de santé a vécu ces dernières années, les hôpitaux sont actuellement plus hantés par des gestionnaires de budget qui veulent couper tout ce qui bouge, des chefs de services qui traquent les équipes pour leur faire changer leur planning par manque de personnel et des équipes dont les yeux pleins de fatigue pourraient concurrencer n’importe quel zombie de série B !

Ah oui et il y a aussi les patient·e·s qui ne vont pas très bien…

Est-ce que remettre les électrochocs au goût du jour ne serait pas une bonne idée ?

Alors figure-toi qu’on a jamais arrêté ! D’accord, on est plus sur les électrochocs sans consentement et sans anesthésie comme dans Vol au-dessus d’un nid de coucou et c’est clairement pas le premier traitement proposé à une personne dépressive mais ils sont encore utilisés actuellement, même en France ! Bon, seulement pour les situations où les traitements médicamenteux ne fonctionnent pas, que les problématiques (comme la dépression) sont vraiment sévères et que la balance risques/bénéfices attendus paraît intéressante pour la personne !

Quelle est la différence entre psychose et névrose ? Pourrais-tu me donner deux protagonistes de films d’horreur qui représentent bien l’une et l’autre ?

À l’origine et d’un point de vue psychanalytique (coucou Freud !), la psychose va désigner une situation où une personne n’a pas conscience de sa maladie, elle ne perçoit pas ses troubles et perd donc contact avec la réalité. La névrose, elle, désigne une situation où a contrario, la personne a conscience de ses troubles, peut être en demande de soins et ne perd pas contact avec la réalité.

Actuellement les classifications des maladies mentales n’utilisent plus trop ces termes dans ce sens-là mais pour faire simple, on va souvent parler de schizophrénie, de bipolarité, de paranoïa et d’hallucination pour les psychoses. Et de dépression, de troubles obsessionnels compulsifs ou encore de troubles anxieux généralisés pour la névrose.

On pourrait donc parler de Norman Bates dans Psychose pour une version meurtrière de… la psychose (quelle surprise !) et de Sydney Prescott dans Scream pour un trouble anxieux généralisé en lien avec le deuil de sa mère dans le 1 et un bon stress post-traumatique dans le 3 pour la névrose !

Une question qui me passionne : Comment convaincre quelqu’un·e que l’on n’est pas dingue ?

Certainement pas en répétant « j’vous assure, je suis pas fou ! ». Là, c’est la camisole assurée ! Et bon, la camisole, c’est chouette mais pas tout le temps ! Plus sérieusement on a longtemps enfermé les femmes (et toute personne qui dérangeait trop) dans des hospices sans trop de réelles raisons médicales…

D’ailleurs, le sait-on quand on l’est ?

Ben justement, c’est ça le soucis : pas tout le temps ! Quand j’écoute certains de mes patients, ils pensent aller très bien mais que c’est leur psychiatre qui est fou… Et en même temps, c’est peut-être vrai ! Le travail du psychologue c’est régulièrement de travailler aux frontières du réel… et d’accepter de ne pas tout savoir.

Pour toi, c’est quoi l’un des principaux clichés véhiculés dans les films d’horreur sur la maladie mentale ?

Le fait que les personnes ayant des problématiques psychiques ou des maladies mentales soient dangereuses. C’est vraiment quelque chose qu’il faudrait voir évoluer à l’avenir car cela maintient en place des craintes qui ont plus à faire avec la crainte de ce que l’on ne connaît pas ou de ce qui ne nous ressemble pas qu’une réelle dangerosité. Pour moi le vrai monstre, c’est la peur de l’autre.

Les films d’horreur sont-ils bons pour notre santé mentale ?

Si ça ne vous empêche pas (trop) de dormir la nuit, c’est plutôt très bon ! Je suis presque certaine que ça fait même un petit entraînement cardio-vasculaire ! C’est tout bénéf’, même plus besoin de faire du sport : en cas d’attaque de zombies ou de serial killer, vous serez prêt·e·s sur tous les plans !

Il existe un sous genre dans les films d’horreur qui est le Rape & Revenge. Une femme se fait violer et se venge par la suite en tuant son ou ses bourreaux. Quel est ton avis professionnel sur cette démarche ?

Autant je suis clairement régulièrement en colère par la présence (vraiment excessive) de scènes de viols dans les films (trop souvent « esthétisées » ou amenées via un male gaze dégeu) pour “choquer”/”provoquer” et faire du chiffre (sans prendre en compte les personnes qui ont réellement déjà vécu cela – les trigger warning c’est fait pour ça), autant je peux en concevoir l’aspect cathartique pour certaines femmes que ce soit en tant que réalisatrice ou spectatrice. Je pense du coup à Promising Young Woman d’Emerald Fennell que je n’ai pas encore vu mais dont j’ai plutôt lu de bonnes critiques. Ce genre de film, s’il ne tombe pas dans du voyeurisme pur et simple peut aussi amener de gros questionnements très importants sur le sexisme, sur notre rapport à la justice, notre rapport à la perte ou au trauma et comment cela est pris en compte dans nos sociétés.

Et pour finir, quel est ton film d’horreur préféré ?

It la minisérie de 1990 a clairement conditionné ma trouille des clowns et reste vraiment un doudou horrifique pour moi !

American Horror Story: Asylum (initiée en 2012 par Ryan Murphy & Brad Falchuk)

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